Bien-pensance

Bien-pensance ou bienpensance est une expression langagière francophone utilisée par des auteurs ou groupes de personnes réactionnaires pour dénoncer des idées progressistes ou libérales[1]. Le terme « bien-pensance » a une connotation péjorative, polémique et ironique par les détracteurs conservateurs du politiquement correct[2]. Le terme n'est plus seulement cantonné à l’extrême droite qui a réussi à l'imposer dans le débat public.

Selon les partisans de ce terme, la bien-pensance serait l'expression d'un « bien-penser » revendiqué et d'une bonne conscience sûre d'elle-même, ne se remettant pas en question, préférant plutôt pointer du doigt ceux qui ne se conforment pas à ses idéaux, plaçant par conséquent l'opposant en mode défensif, si défense il a droit[3]. La bien-pensance désignerait l’opinion et le comportement des personnes dites bien-pensantes, « dont les idées sont conformistes »[4] et soumises au politiquement correct[5],[6].

En France, et à partir de la fin du XXe siècle, le terme « bien-pensance » est associé majoritairement[7] à la repentance, la culpabilité historique[8], la culture de l'excuse, les lois mémorielles et l'anti-discrimination. Pour les adversaires de ces concepts, la « bien-pensance », se voulant moralisatrice notamment au nom des droits de l'homme[9] ou des bons sentiments, préconise des lois qui interdisent et pénalisent les propos racistes, homophobes, antisémites, négationnistes et autres, provoquant ainsi « des procès en blasphème théologico-politique »[10], « en sorcellerie »[11],[12]. Le « bien-pensant » utilise un langage spécifique « pour éviter de nommer les choses parce que cette dénomination pourrait choquer »[5].

Dans le cadre des débats politiques, les adversaires du politiquement correct utilisent cette caractérisation de bien-pensance comme une arme rhétorique[13]. Ceux-ci, « les mal-pensants, dont les idées vont à l'encontre du consensus idéologique majoritaire (celui des bien-pensants) »[4], reprochent aux bien-pensants de censurer par des « lois liberticides » toute pensée déviante et, en créant le délit d'opinion, le thoughtcrime (délit de la pensée)[14] – expression connue par la dystopie d'Orwell –, de vouloir étouffer tout libre débat et d'ainsi porter atteinte à la liberté d'expression[15].

En Allemagne, l'expression « bien-pensant » (all. « Gutmensch », littéralement « homme bon »), à cause de ses connotations péjorative, discriminatoire, polémique et ironique utilisé par l'extrême droite, a été déclarée « pire mot de l'année 2015 »[16],[17], pour qu'elle soit ainsi bannie du débat public, devenue par cette incrimination un mot tabou.

  1. Laurent Joffrin, « Vive La « Bien-Pensance » ! », Revue des Deux Mondes,‎ , p. 48–53 (ISSN 0750-9278, lire en ligne, consulté le )
  2. « L’anti-politiquement correct est devenu la norme », Nicolas Truong ; A droite comme à gauche, la bien-pensance n’est plus le discours dominant , dans : Le Monde 26 septembre 2015
  3. Josepha Laroche, « LA CENSURE LEXICALE DE LA BIEN-PENSANCE: Un vecteur de mise à mort sociale », Revue des Deux Mondes,‎ , p. 126–133 (ISSN 0750-9278, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Le Grand Robert de la langue française, version numérique 3.0, 2013, entrée « bien-pensant »
  5. a et b Le bien-pensant, c’est toujours l’autre. Entretien avec Natacha Polony, sur Causeur.fr, Publié le 11 juin 2014
  6. « courant de pensée conformiste, moraliste qui est un peu le "politiquement correct" », dictionnaire reverso.net
  7. Par les auteurs s'opposant précisément aux concepts de repentance ou d'anti-discrimination. Ceux étant le plus souvent à droite de l'échiquier politique
  8. Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale. Éditions Flammarion 2008 (ISBN 978-2081213067)
  9. Jean-Louis Harouel: Les Droits de l'homme contre le peuple, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, , 146 p. (ISBN 978-2-220-08144-1, BNF 45040155)
  10. Anastasia Colosimo , Le blasphème est un instrument plus politique que religieux, sur ‘’l’Arche’’. Le site d'information et de débat du judaïsme français, Par Noémie Halioua, 8 février 2016.
  11. Caroline Castets, La dictature de la bien-pensance. Ses totems, ses tabous, ses indignations sélectives. Et son incapacité à voir traiter les vrais sujets, dans Le Nouvel Économiste, le 15/06/2011.
  12. Anastasia Colosimo, Les bûchers de la liberté. Paris, Stock, 2016 (ISBN 978-2234080508), p. 133
  13. Qui sont les bien-pensants ?, Mediapart 26 janvier 2016.
  14. (en) thoughtcrime
  15. Les adversaires de la loi Pléven: le mélange des haines, sur le site de la LICRA
  16. le terme "bien-pensant" désigné pire mot de l'année en Allemagne, Le Sud Ouest, publié le 12/01/2016
  17. Réfugiés : Les "bien-pensants" désigné pire expression de l'année en Allemagne, dans : L’Orient-Le Jour, le 13 janvier 2016

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