La Convivencia (en espagnol, de convivir, « vivre ensemble », « convivence ») est un concept qui a été utilisé par les historiens de l'Espagne au XXe siècle, mais a été très controversé comme anachronique puis abandonné par la plupart au XXIe siècle, pour évoquer une période de l'histoire médiévale de la péninsule Ibérique (et en particulier d'Al-Andalus) pendant laquelle la coexistence entre musulmans, juifs et chrétiens se serait déroulée dans un état de relative paix confessionnelle et de tolérance religieuse, et durant laquelle les échanges culturels étaient nombreux.
Ce concept est popularisé par Américo Castro pour décrire les relations entre chrétiens, juifs et musulmans dans la péninsule durant la période historique hispanique qui court depuis la conquête de l'Hispanie par les Omeyyades, à partir de , jusqu'à l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492 (année cruciale) après la fin de la Reconquista. Castro présente cette période comme un « pluralisme stabilisé » dans lequel des échanges et dialogues auraient enrichi des groupes d'obédience différente, ayant des rapports essentiellement pacifiques, et affirme que c'est cette conjonction qui favorise le développement culturel de la péninsule.
Mais si la cohabitation des religions est la norme dans la péninsule Ibérique médiévale, le concept de Convivencia, dans son acception universitaire, est quant à lui vivement controversé. Les débats universitaires tournent autour de la vérification des points avancés, de la pertinence historiographique du concept en tant qu'outil historique et de sa nature profonde. Néanmoins, les recherches qui lui sont associées permettent de faire avancer la compréhension des relations entre les groupes qui constituaient les Espagnes médiévales, leurs dynamiques, et les conséquences de leurs interactions. Ces études font d'Al-Andalus l'une des sociétés islamiques médiévales les mieux connues, à la fois par les écrits et par l'archéologie.
Ainsi ces études mettent en avant la forte variabilité des régimes et des situations dans le temps, un grand dynamisme des populations et des conversions massives régulières. Les sociétés sont organisées par la juxtaposition de communautés religieuses souvent rivales, autonomes et inégalitaires. Les frictions, les tensions et les suspicions sont nombreuses, exacerbées par les conversions, par la crainte de l'hybridation religieuse et du métissage. Si la cohabitation n'est pas pacifique, il n'existe pas non plus de politique de persécution. La Convivencia entre chrétiens, juifs et musulmans, au mieux précaire, serait ainsi plutôt vue comme une « nécessité inconfortable[1] » qui va de pair avec l'absence de principes juridiques déclarés, absence dont les conséquences sont néfastes.
Une des raisons qui pousse à l'abandon du concept de Convivencia par les historiens est sa proximité chez le public du XXIe siècle avec des notions contemporaines, générant des confusions et des incompréhensions. Ainsi, en français, le terme Convivencia entretient un lien étymologique aussi fort que trompeur avec le concept politique positivement intégrateur du « vivre-ensemble ». Or les notions mêmes de tolérance et d'« intégration » sont étrangères à la pensée médiévale. Elle sont vues comme un risque d'affaiblissement de la foi de chacun, de syncrétisme voire de schisme. Les systèmes mis en place servent à délimiter des catégories sociales et non à les faire évoluer. Les communautés vivent juxtaposées et combattent fermement — et parfois violemment — toute tentative d'intégration : le mariage entre membres de confessions distinctes est impossible et les rapports sexuels sont punis de mort.
Par ailleurs, en se focalisant sur les religions, le concept de Convivencia a tendance à éclipser d'autres éléments clefs structurant ces sociétés médiévales et leurs évolutions : langue, culture, ethnicité, genre, statut social, âge.
Cette cohabitation induit cependant de nouvelles formes culturelles à tous les niveaux de la société et marque profondément l'histoire de l'Espagne par les périodes importantes durant laquelle elle perdure. La langue arabe est un vecteur majeur de transmission et d'enrichissement de la connaissance pour l'Occident « grâce aux traductions en latin et en langues romanes [qui] débouchèrent sur le majestueux déploiement scientifique de la Renaissance [2] », et, déjà auparavant, sont à l'origine de la dite renaissance médiévale du XIIe siècle.
Mais, en parallèle des débats universitaires, se sont développés sur ce substrat historique des mythes contemporains, à portée politique, très critiqués pour leur manque d'objectivité et de rigueur.
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