Un pilori est un poteau ou un dispositif vertical auquel un condamné est attaché temporairement, à l'aide de cordes ou d'un carcan, pour être vu et raillé par la foule. Les formes de ce support d'exposition varient, depuis le poteau en bois initialement élevé sur la place du marché[2] ou le pan de mur, jusqu'à l'intégration progressive du carcan puis la transformation du poteau en pilori charpenté, en pilier de pierre ou en tour maçonnée. Les piloris présentent, malgré leur diversité, une caractéristique commune, celle de leur implantation dans un lieu public (place, carrefour, pont, porte de la ville) ancré dans le paysage urbain, choisi pour maximiser la publicité de ce supplice.
La mise au pilori, appelée aussi pilorisation, est une punition et une humiliation publique basées sur un rituel d'exposition infamante construit par la mise en scène du corps du coupable et les outrages du public (attaques verbales, gestes de dérision, jets de projectiles[3], dégradations corporelles[4]). La peine du pilori, prononcée pour des crimes variés (vols, coups et blessures, faux témoignages, blasphèmes, adultères, prostitutions…) est un rituel performatif[5] de la vie sociale autant que judiciaire, qui permet la refondation communautaire« fabriquée par les actes de rejet du peuple, tandis que les autorités judiciaires jouent un rôle limité d’encadrement et de surveillance une fois les outrages commencés. La mise en retrait des officiers de justice au profit d’une action populaire singularise le rituel d’exposition de ceux du bannissement et de la peine capitale, où le peuple, s’il est actif, demeure un spectateur du rituel, sans registre propre d’actes symboliques[6] ».
↑Le grotesque qui orne la seconde colonne du texte en haut de la scène, entraîne une autre interprétation liée à une faute sexuelle (adultère, acte de prostitution…) : « une femme aux cheveux dénoués tient dans chaque main un sexe d'homme qu'elle dirige posément vers la condamnée. Pilori au féminin et délit sexuel semblent donc indubitablement liés, quelle que soit l'enluminure retenue ». Cf Barbara Morel, Une iconographie de la répression judiciaire. Le châtiment dans l’enluminure en France du XIIIe au XVe siècle. Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, , p. 106
↑Le pilori à l'origine « permet tout à la fois de sécuriser les transactions, de rappeler les privilèges des gardiens du marché et de théâtraliser l’union du peuple et de l’oligarchie marchande contre le voleur-fraudeur, figure mythifiée de l’ennemi. Autant d’enjeux qui sont au cœur du projet politique des communes du XIIe siècle ». Cf Isabelle d'Artagnan, Le pilori au Moyen Âge dans l'espace français, XIIe – XVe siècle, Presses universitaires de Rennes, , p. 54.
↑Ordures, boue, objets symbolisant le crime du pilorisé.
↑Coupe ou brûlement des cheveux d'une femme, rasage d'un homme, animalisation, dénudement du condamné…
↑La théâtralisation des émotions du public ou de la victime possède par l'acte de démonstration émotionnelle, un pouvoir performatif (peine du condamné honteux, réparation d'honneur de la victime qui se montre bien contente ou satisfaite, refondation de la communauté par l'exposition qui suscite l'émotion partagée de la foule qui se retrouve dans la même dérision indignée). Cf Liliane d'Artagnan, « Le rituel punitif du pilori au Moyen Âge », Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, no 44, , p. 100-102
↑Isabelle d'Artagnan, Le pilori au Moyen Âge dans l'espace français, XIIe – XVe siècle, Presses universitaires de Rennes, , p. 161