Les Temps modernes (revue)

Les Temps modernes
Page de titre du premier numéro (octobre 1945)
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Fondateurs
Date de création
Pays
Éditeur
ISSN
0040-3075
2272-9356Voir et modifier les données sur Wikidata
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Les Temps modernes était une revue politique, littéraire et philosophique française, à périodicité mensuelle, fondée en décembre 1945 par Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Maurice Merleau-Ponty. Sur décision de l’éditeur Gallimard, elle disparaît en 2018 à la suite de la mort de Claude Lanzmann qui en avait repris la direction.

Les trois fondateurs avaient décidé de créer une revue par un sentiment de culpabilité consécutif à leurs propres erreurs de l’avant-guerre, où ils étaient restés apolitiques et réfractaires à tout engagement, quand même ils avaient ressenti une « sympathie de principe » pour le prolétariat, une admiration lointaine pour l’Union soviétique et une certaine attirance pour le PC. Sous l’effet d’un individualisme abstrait, qui leur faisaient voir le social comme une réalité inquiétante propre à menacer la pureté de leur conscience et sa liberté, ils avaient manifesté un désintérêt pour la chose sociale et une inaction totale, s’étaient tenus loin de toute praxis collective, et avaient expulsé l’histoire, maniant les notions philosophiques comme des idées absolues, déliées des conditions historiques de leur apparition. La lutte du prolétariat, lequel était, selon l’expression de Sartre, « tout juste un envers » de la bourgeoisie, et tout aussi « inhumain » qu’elle, n’était pas l’affaire des intellectuels. Pour le Sartre de l’avant-guerre, l’intellectuel, dont la misère sociale se trouve transfigurée en signe d’élection, est un paria sublime, misérable, mais libre et lucide, et tenant le monde à distance. Il s’agit d’une morale aristocratique, élitiste, destinée à demeurer une révolution en pensée, car susceptible de se dégrader dès qu’elle voudrait se faire réalité.

Cependant, dès 1934, Sartre qualifiait le matérialisme historique de « méthode de travail féconde » et devait bientôt forger un ensemble de concepts théoriques appelés à sous-tendre une future pratique politique. La défaite républicaine en Espagne, l’Anschluss, la fin du Front populaire en France, la violence des organisations fascistes et surtout l’Occupation avec ses choix dramatiques composait un climat collectif qui fut pour Sartre et les autres intellectuels le détonateur de l’engagement incitant les écrivains à porter attention aux rapports de l’individu avec la société et avec l’histoire. Sartre allait basculer de préoccupations surtout esthétiques vers des préoccupations principalement morales et politiques, et mettre l’accent sur la liberté et l’histoire collective. Les existentialistes entendaient à présent prendre place dans le combat politique et à fonder une morale nouvelle où l’homme assumerait sa situation pour la dépasser. En accord avec cette idée d’engagement, à partir duquel toute une morale politique allait être élaborée, Sartre et les existentialistes s’interdisaient de renouer avec une pensée spéculative en retard sur la pratique et sur la réflexion politique, et se proposaient à partir de 1945 de militer désormais parmi les hommes et avec les hommes, en privilégiant la fonction idéologique, morale et politique de la littérature. Vestige de l’élitisme d’avant-guerre, où l’intellectuel est à la fois spectateur distant et guide moral, Sartre estime que l’écrivain et l’intellectuel engagé, investi d’une mission spécifique, sont seuls à même d’aider les masses à se libérer, d’où leur responsabilité morale. Le rôle de l’intellectuel, selon la nouvelle définition, est de s’attacher à dévoiler la réalité, mais aussi de tenter, en assumant ce rôle, de le dépasser. La parole et l’écriture sont en soi action, car dévoiler, c’est changer et « on ne peut dévoiler qu’en projetant de changer ». L’intellectuel engagé acquiert ainsi une forme de pouvoir sur le monde et, en concourant à produire certains changements dans la société, peut s’ériger en démiurge.

Une telle théorie appelait une mise en pratique, sous les espèces d’une revue, et les Temps modernes allaient être à la fois l’expression et le moyen de cette pratique d’engagement, et l’instrument idoine pour réaliser une intervention directe sur tous les fronts de l’actualité. Comme de juste, une bonne part des contenus de la nouvelle revue était commandée par l’actualité politique et sociale, les Temps modernes s’appliquant à dénoncer l’exploitation, le colonialisme et la guerre (dont la guerre d'Algérie, motif de plusieurs saisies), ainsi que les systèmes qui les engendrent (dont le maccarthysme et le gaullisme), mais aussi le stalinisme et la répression dans les démocraties populaires. Le premier comité de rédaction se composait — outre des trois fondateurs — de Michel Leiris, Raymond Aron (qui allait très bientôt quitter la revue), Albert Ollivier et Jean Paulhan. Vis-à-vis des autres revues, Les Temps modernes se distinguent par la pratique des grandes synthèses totalisantes et par son éminente préoccupation littéraire. La relation avec le PC, lequel avait acquis une nouvelle légitimité à la suite de l’élections de 1945, prit initialement la forme, sous l’influence de Merleau-Ponty, d’un « compagnonnage critique », où Sartre en particulier maintenait intacte son autorité intellectuelle et gardait une distance philosophique antidogmatique intransigeante, et où alternaient périodes de crise et embellies. Le maintien de cette attitude provoqua le départ en 1952 du même Merleau-Ponty, qui avait cessé, à l’aune des faits, de croire en la théorie marxiste prophétique de la révolution prolétarienne. Ce départ, véritable tournant, brisa l’équilibre prévalant jusque-là dans la revue entre excellence universitaire et philosophique d’une part et approche journalistique d’autre part ; c’est cette dernière qui allait, sous l’impulsion notamment d’André Gorz et de Marcel Péju, s’imposer dorénavant, cependant que la revue perdait de son aura en même temps que déclinait dans la décennie 1960 l’influence existentialiste en France.


Les Temps modernes (revue)

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