Le pas de l'ours, d'abord connu sous le nom anglais de grizzly bear, est une danse de couple née aux États-Unis vers 1910 et qui a connu une vogue internationale jusqu'à la Première Guerre mondiale. Son nom provient de l'imitation parodique du dandinement d'un grizzli, de son étreinte et de ses mouvements de patte. Dansé sur une musique de ragtime, le pas de l'ours est très proche d'autres danses dites animalières du début du XXe siècle aux États-Unis, qui participent du même esprit de fantaisie et de rupture avec les danses sociales plus conventionnelles. Ses mouvements syncopés, la place donnée à l'improvisation et sa loufoquerie ont d'abord suscité l'adhésion populaire, mais un soupçon d'appel à la luxure et l'assimilation de l'imitation animalière à une régression ont provoqué des réprobations, voire des interdictions de pratiquer cette danse dans des lieux publics. Ces critiques sont en outre accentuées par l'origine afro-américaine supposée de la danse, dans les bas-fonds de San Francisco. Le pas de l'ours est aussi considéré comme une danse vulgaire, cette qualification étant parfois perçue comme ayant un sous-entendu racial.
À partir de 1911, plusieurs chansons d'Irving Berlin, en particulier The Dance of the Grizzly Bear et Everybody's Doin' It Now, contribuent à rendre cette danse à la mode, d'abord auprès de jeunes immigrés qui y voient une manière d'affirmer une identité américaine, puis auprès de la haute société qui la trouve amusante. Cette vogue entraîne à partir de 1912 une forte réaction de la part de différents groupes de pression, en particulier des réformateurs soucieux de protéger les jeunes femmes contre les risques de dépravation. Parallèlement, des professionnels de la danse, tels Vernon et Irene Castle, s'appliquent à « purifier » et « rationaliser » les danses de ragtime pour en ôter les aspects les plus choquants qui étaient précisément ceux caractéristiques du pas de l'ours.
En 1912, le pas de l'ours devient également populaire en France, dans le cadre d'une « dansomanie » naissante, grâce à des artistes en vue comme Gaby Deslys ou Mistinguett. La danse est adoptée par la haute société parisienne, qui en trouve la bouffonnerie charmante, mais aussi par des milieux populaires et par des avant-gardes artistiques, dans le cadre d'une américanophilie centrée sur la figure des boxeurs noirs américains, tel Jack Johnson, qui sont alors adulés à Paris. La production de différents films, en particulier, témoigne de cet engouement. Ces différentes modalités d'appropriation d'une pratique exotique, mises de côté durant la Première Guerre mondiale, préfigurent celles qui se développeront ensuite avec vigueur après l'armistice, dans le cadre de la vogue du foxtrot et du tango.