Le syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles (en anglais, « Colony Collapse Disorder » : CCD) est un phénomène de mortalité anormale et récurrente des colonies d'abeilles domestiques (Apis mellifera) notamment en France et dans le reste de l'Europe, depuis 1998[1],[2], aux États-Unis, à partir de l'hiver 2006-2007[3]. D'autres épisodes de mortalité ont été signalés en Asie et en Égypte[4],[5] sans être pour le moment formellement associés au CCD. Malgré une surmortalité avérée et une diminution du nombre de colonies en Europe au tournant des années 2000, le nombre de colonies d'abeilles mellifères a globalement augmenté sur ce continent entre 1990 et 2021, suivant la tendance mondiale où la hausse est de 47% sur cette période[6],[7].
Ce phénomène affecte par contrecoup la production apicole dans une grande partie du monde où cette espèce a été introduite. Aux États-Unis, il fut d'abord appelé « syndrome de disparition des abeilles » ou bien « Fall-Dwindle Disease » (maladie du déclin automnal des abeilles)[8], avant d'être renommé CCD.
Le phénomène prend la forme de ruches subitement vidées de presque toutes leurs abeilles, généralement à la sortie de l'hiver, plus rarement en pleine saison de butinage (en). Aux États-Unis, près de 25 % du cheptel a disparu au cours de l'hiver 2006-2007. De nombreux pays européens sont touchés depuis le début des années 2000. Les pertes peuvent atteindre, localement, jusqu'à 90 % des colonies[9]. Les taux de mortalité hivernale des ruches d'abeilles domestiques, mesurés depuis l'apparition du phénomène sont quasi systématiquement supérieurs au taux d'environ 10 % observé auparavant[réf. nécessaire].
Ce syndrome est jugé très préoccupant par les apiculteurs, mais aussi par de nombreux écologues, économistes et experts en raison de l'importance économique et écologique de l'abeille domestique en tant que pollinisatrice : les pommiers, mais aussi les amandiers, les avocatiers, les cerisiers, les oignons, les concombres, le coton, l'arachide, le melon, etc. dépendent à 90 %, voire à 100 % des insectes pollinisateurs pour leur pollinisation. Selon l'INRA, la survie de 80 % des plantes à fleurs et la production de 35 % de l'alimentation humaine dépendent directement des pollinisateurs[10]. Les services rendus à la pollinisation par les abeilles sont estimés à environ quinze milliards de dollars par an aux États-Unis[11]. Leur importance doit cependant être relativisée, compte tenu du rôle non négligeable tenu par les pollinisateurs sauvages[12]. L’abeille domestique reste toutefois indispensable pour des besoins massifs et ponctuels de pollinisateurs dans des zones pauvres en milieu sauvage. Le cas le plus emblématique est la production d'amandes en Californie : les 3/4 du cheptel d'abeilles américaines y sont rassemblés par une transhumance renouvelée chaque année[13], entraînant une augmentation des risques sanitaires due à la promiscuité.
Ce phénomène épidémique fait l'objet de polémiques scientifiques et médiatiques. Les chercheurs étudiant ce phénomène ne pouvaient s'appuyer que sur un corpus très pauvre d'études et de données, notamment écoépidémiologiques et génétiques. Depuis le milieu des années 2000, de nombreux travaux ont été publiés, ce qui a permis la constitution d'une bibliographie de plus en plus solide. Des avancées considérables ont été réalisées, notamment l'identification correcte des bio-agresseurs impliqués dans le phénomène et la mise en évidence d'effets synergiques divers. La thèse d'un phénomène multifactoriel[14] est maintenant l'objet d'un consensus. Le rôle central de l'acarien Varroa destructor est cité dans un rapport du Département de l'Agriculture des États-Unis en 2012 et dans la première partie de l'étude européenne « Prevention of honey bee COlony LOSSesa » en 2018.
En Europe, des apiculteurs ont désigné les pesticides systémiques comme les principaux responsables du phénomène dès 1995[15]. À partir de 1999, l'interdiction en France et en Europe de certains pesticides incriminés n'a pas eu d'effet mesurable sur le terrain, les mortalités demeurant inchangées. De nombreuses ONG écologistes et des journalistes soutiennent la thèse selon laquelle les pesticides sont la cause primaire du phénomène[16],[17]. L'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) reconnaît le rôle de pathologies[18], mais en considérant toujours les pesticides comme la cause primaire. Des travaux en conditions artificielles ou simulées accusent les insecticides, sans forcément en faire une cause unique du phénomène. Ces travaux sont remis en cause par d'autres études qui considèrent que le manque de connaissances sur les besoins physiologiques des abeilles rend délicat la conception des protocoles (notamment en milieu fermé et semi-ouvert) et l'interprétation des résultats : les doses et les situations testées sont considérées comme extrêmes voire totalement irréalistes. Les études scientifiques ont cependant conduit l'Autorité européenne de sécurité des aliments à constater que les tests réglementaires homologuant les molécules mises en cause ne permettaient pas d'en évaluer les risques et que certains produits phytosanitaires encore utilisés « présentaient un risque pour les abeilles »[19].
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