Technoscience

Il est d'usage de considérer le philosophe belge Gilbert Hottois comme l'inventeur du néologisme et mot-valise technoscience en 1977[1] afin de mettre en évidence le caractère intriqué des liens entre les sciences et les techniques et émettre la thèse que leur contrôle devient de plus en plus problématique au XXe siècle. Toutefois, en 2015, Dominique Raynaud indique que ce mot a été utilisé de façon confidentielle dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; la première fois en 1946 par Harold D. Lasswell, politiste, psychanalyste et théoricien de la communication de masse américain ; avant que le terme ne soit repris par Edgard Schieldrop en 1956 ou Lynton Caldwell en 1968 [2].

Repris en 1987 par Dominique Janicaud [3], auteur de La puissance du rationnel, et vulgarisé la même année par Bruno Latour [4], le terme entre dans le vocabulaire usuel dans les années 1990[5], utilisé notamment par les Américains Hubert L. Dreyfus[6], Donna Haraway [7] et Don Ihde[8]. Après avoir connu un pic en 2001, il est aujourd'hui « revenu à la fréquence qu’il avait en 1993. Ce recul interroge le pouvoir heuristique qu’il aurait pour décrire et expliquer les transformations des sciences et techniques dans le monde contemporain », selon Dominique Raynaud[9].

Selon le philosophe François-David Sebbah le terme se retrouve essentiellement dans les discours militants (pour exprimer une inquiétude) mais est pratiquement absent dans le milieu scientifique et il est moins éclairant qu'il ne pose de questions, tant dans les champs de l’épistémologie, de l’économie et de la politique que dans ceux de la philosophie et de la métaphysique[10].

  1. Gilbert Hottois (préf. J. Ladrière), L'inflation du langage dans la philosophie contemporaine : causes, formes et limites (thèse de doctorat), Bruxelles, Editions de l'Université de Bruxelles, , 391 p. (ISBN 978-2-8004-0706-7, OCLC 1070592878) ; « Éthique et technoscience », revue La pensée et les hommes, Université libre de Bruxelles, 1878
  2. Dominique Raynaud, « Note historique sur le mot « technoscience » », sur Zilsel (consulté le )
  3. Dominique Janicaud, "Des techniques à la techno-science", Revue Internationale de Philosophie, vol. 41, no 161 (2), "Questions sur la technique" p. 184-196, 1987
  4. (en) Bruno Latour, Science in action : how to follow scientists and engineers through society, Cambridge, Mass, Harvard University Press, , 274 p. (ISBN 978-0-674-79291-3, OCLC 985370182, lire en ligne) ; trad. fr. La Science en action, Paris, La Découverte, 1989.
  5. En 1992, le mot entre dans le grand dictionnaire Larousse qui le définit ainsi : "ensemble constitué par la technologie et par la science, ainsi que par leurs rapports réciproques".
  6. Hubert Dreyfus, Techno-science cyberculture, 1996
  7. (en) Donna Haraway (ill. Lynn M. Randolph), ModestWitness@SecondMillennium. FemaleManMeetsOncoMouse : feminism and technoscience, New York, Routledge, , 361 p. (ISBN 978-0-415-91245-7 et 978-0-415-91244-0, OCLC 894206355, lire en ligne)
  8. (en) Don Ihde, Chasing technoscience : matrix for materiality, Bloomington, Indiana University Press, , 249 p. (ISBN 978-0-253-34253-9 et 978-0-253-21606-9, OCLC 642939623, lire en ligne)
  9. Dominique Raynaud, Note critique sur le mot "technoscience", Zilzel, avril 2015
  10. François-David Sebbah, Qu'est-ce que la "technoscience"? une thèse épistémologique ou la fille du diable? : enquête sur les usages de la notion de "technoscience" dans l'espace de la pensée française contemporaine, Paris, Les Belles lettres, coll. « À présent. / Encre marine », , 188 p. (ISBN 978-2-35088-023-5, OCLC 690870095)

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